DEVENIR - ANIMAL

Je me sens parfois comme un animal.

Je suis devenue serpent, cheval, oiseau. J’ai été aussi tant d’autres animaux. Une multiplicité. Des multiplicités.

Parfois, j’ai voulu m'éloigner du cadre créé par l'homme et m'échapper de la répression. Mon désir inconscient d'être animal s’est ainsi déployé.

Mon corps a changé et c'est ce qui m'a libérée de la réalité.

Qu'est-ce que devenir animal ? Ce n'est pas une imitation des animaux. C'est comme si le caméléon avait changé la couleur de mon corps selon son environnement. C'est une transformation, une transformation existentielle, un devenir-autre. Devenir animal, soulignent Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille Plateaux, c’est partir loin hors de soi, sortir de chez soi, se « déterritorialiser », éprouver les extases d’un être-là qui s’ouvre à l’altérité. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’animalité est toujours une figure de l’altérité. On ne devient-animal qu’en devenant-autre, autre que soi, autre du soi, étranger à soi.

Enfin, je suis dans un devenir-animal prenant part à l'activité créatrice, et ce n'est pas un recul. Je m’invente, en cheval, en serpent, en oiseau. « Être aux aguets », c’est une caractéristique animale, poursuit le philosophe Gilles Deleuze, dans L’Abécédaire. L’artiste est aux aguets

.« J’ai envie de voler, de nager, d’aboyer, de beugler, de hurler. Je voudrais avoir des ailes, une carapace, une écorce, souffler de la fumée, porter une trompe, tordre mon corps, me diviser partout, être un tout, m’émaner avec les odeurs, me développer comme les plantes, couler comme l’eau, vibrer comme le son, briller comme la lumière, me blottir sur toutes les formes, pénétrer chaque atome, descendre jusqu’au fond de la matière - être la matière. » Gustave Flaubert, La tentation de Saint-Antoine